Musique !

Assis sur un matelas, couché sur le sol, les notes glissent. Je pourrai analyser, je pourrai débattre sur le pourquoi du comment, sur la nécessité absolue des contradictions. Mon réveil indique treize heure et demie. 

Je reste sur le matelas, toujours couché sur le sol. Face au mur, je ne peux qu'admirer ce papier bleu, recouvert malheureusement de quelques affiches, que je ne saurais décrocher. Il me rappelle la mer, avec les quelques traits blancs qui le parsèment. La mer, le surf, les filles en bikinis, les grosses voitures de plage. Je n'ai jamais connu la mer - si peut-être une fois ou deux, mais ma mémoire n'a retenu que la glace à la framboise dégoulinant sur mon torse de gamin, gros au demeurant - mais je m'en souviens. Les vagues claquent sur mes housses de draps, le soleil éclate par sa luminosité la petite ampoule 9W accrochée au plafond, le sable s'immisce jusque dans mes draps et le rend inconfortablement confortable. Le rêve californien...les amis...le rêve californien.

Dieu seul sait si je touche à ce rêve, celui des filles en bikini, des plages infinies et des grosses voitures, mais dieu, je l'emmerde. Alors je m'en remets aux notes et à mon imaginaire. Je tourne un peu en rond, mais jamais ce n'est la tête qui tourne. De toute façon, je suis assis sur le matelas couché au sol : tomber plus bas m'est impossible. Je pars à la recherche de la maturité, mais après tout, à quoi bon. Je me replonge dans la mer, celle où les filles en bikini traversent la plage parquées dans de grosses voitures.
Je déteste les grosses voitures, la plage et les filles en bikini (un peu moins) et les trois réunis, dans ce qui me reste d'esprit créatif, provoquent sur mon visage un sourire niais, plein. 

Mon réveil indique quatorze heure. Déjà une demi heure à rester immobile, assis sur un matelas couché au sol. Mon après-midi va se séparer en deux, l'avant et l'après. L'avant, j'exultais de bonnes vibrations ; l'après, j'exulte de bonnes vibrations. Mon réveil indique quatorze heure deux, il est sympa ce réveil. Je le frappe violemment tous les matins pour qu'il ferme sa gueule, et il continue à l'ouvrir. Je m'obstine alors à le frapper. Il s'obstine aussi. On forme un couple. Je dois bientôt partir, j'ai un truc à faire, mais je m'en fous. Je préfère rester couché sur un matelas assis sur le sol crade de ma chambre. La chaleur m'oppresse, l'inactivité aussi, mais elle, elle n'a pas besoin de le faire beaucoup pour que je lui cède. Tiens, il est quatorze heure quatre et quelques secondes et quelques vocalises brillent dans l'atmosphère de la piaule. On dirait des étoiles éparpillées un peu partout, un peu lumineuses, jolies certainement individuellement qui, dans un élan de lucidité, se réunissent pour former un conglomérat de magnificence, la perfection stellaire. Je surfe sur le son, alors qu'il surfe aux States. Mes cheveux trop courts repoussent. Ce moment trop court s'arrête. 

Le silence. Quand tout d'un coup le morceau suivant se lance et me sort de ma torpeur. Les Beatles.

C'est donc sur ce même son que je continue d'amadouer ma pensée.
Raaah une petite musique comme ça ça me fais danser les doigts sur le clavier et ça me rend l'ame poétique, limite proche d'une sensation de bonheur illusoire qui me fais voir la vie en rose quelques secondes en ravivant dans mon esprit toutes les petites scènes que j'ai vécues et qui m'ont marqués... L'esprit s'envole a travers une myriade de pensée où la joie règne sous mes paupières fermées...Une latte sur le pétard et pendant que je recrache lentement la fumée en petits cercles virevoltants la guitare entre en jeu accélérant le rythme obsédant qui me submerge déja de par sa virtuosité...
J'enfonce un peu plus la tete dans mon oreiller et un petit sourire apparait sur mes lèvres pendant que mes paupières ouvertes a nouveau laisse l'oeil contempler la virginité oppressante de la blancheur du plafond...Une voix surgit et je me surprend a fredonner doucement les paroles...Assez doucement pour les entendre et les savourer...La guitare me laissant reprendre mon souffle et tirer une petite latte...Je dodeline de la tete,toujours avec ce sourire béat tandis que la douce voix continue de m'entrainer dans les méandres du sentimentalisme...La guitare reprend son rythme effrené augmentant ainsi mes pulsations cardiaques très doucement...Peu a peu le son se fait plus lointain...Il s'éloigne...La musique est finie...Je relève la tête et regarde autour de moi...Mon regard s'assombrit,je baisse les épaules et pousse un soupir de lassitude..Me revoici dans le monde réel... Fais chier !!!

Je regarde le triste rayonnement de l'horloge : quatorze heure quinze. Debout sur le matelas couché, le temps ne me dit rien. Il m'ordonne plutôt. Cette journée ne doit pas être marquée par le rien, le néant absolu. Je bouge la jambe droite et la gauche en même temps. Je tombe. Après un rêve merveilleux, il est impossible de se remettre dans la vie ordinaire. J'étais planqué dans mon nuage confortable à contempler des oiseaux libres, qui chantaient, oh oui, qui chantaient, sans aucun grand espoir, et sans aucun désespoir. Ainsi soit-il, je redescends dans le paradis terrestre avec des oiseaux qui ne chantent plus, mais sans grand espoir et désespoir. 

Je me dis qu'il y a qu'une conclusion à donner à ceci : Les Beatles ont inventé la musique. Bob Dylan les a concurrencé et égalé. Les Floyd l'ont perfectionné. De nos jours, on assassine la perfection.