Une naissance pas comme les autres

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"Le commandant de bord du vol 725 à destination de Toronto vous souhaite la bienvenue."
Les haut-parleurs grésillèrent un instant avant de s'éteindre complètement.
Une hôtesse de l'air se plaça à l'avant de l'avion, entre les deux rangées et entreprit d'expliquer comment réagir en cas d'accident. Confortablement installés dans un siège en First Class, un jeune couple se regardait droit dans les yeux, un demi-sourire flottant sur les lèvres. Ils avaient déjà prit l'avion suffisamment de fois pour connaître tout ça. Malgré tout, cette fois-ci, l'homme était plus inquiet que d'ordinaire. Son regard glissa sur le ventre rebondit de sa femme. Celle-ci essaya une fois de plus de le rassurer. Elle serra fort sa paume et lui dit :
- Écoute chéri, le médecin a dit que jusqu'au septième mois, nous ne risquions rien. Et puis cette réunion est importante, nous devons y aller.
Il lui adressa un sourire fatigué. Ils avaient déjà eu cette conversation plus d'une fois. Leur métier de reporters faisait qu'ils devaient beaucoup voyager mais ils s'étaient promis de faire une pause pendant la grossesse de Lilia. Et pourtant, elle avait raison. Cette fois, ils avaient mis le doigt sur quelque chose d'important. Quelque chose qui pourrait renverser leur carrière.
L'avion décolla normalement et les lumières en forme de ceintures s'éteignirent. Lilia tira sur la sienne, inclina son siège et ferma les yeux, alors que son mari, Armand, se pencha pour attraper un magazine dans la poche extérieure de son sac.
Quelques heures passèrent, ponctuées par les gémissements d'enfants impatients et les détours de Lilia aux toilettes sous le regard aimant et protecteur de son homme. Des boissons furent distribuées, du champagne pour monsieur et du jus de pomme pour madame. Le vol se déroulait sans incident, dans le ciel d'un cyan éclatant.
Lilia se leva une fois de plus pour aller aux toilettes mais alors qu'elle était à mi-chemin, l'avion tangua fortement et elle fut jetée à terre. Son mari voulut se précipiter à son aide mais sa ceinture était bloquée. Il se mit à hurler à l'aide alors qu'il bataillait pour se libérer. Quand enfin celle-ci s'ouvrit, il courut vers sa femme malgré l'annonce qui venait d'être faite et qui enjoignait les passagers à rester tranquilles parce que l'avion passait dans une zone de turbulences. Quand il parvint à la hauteur de son épouse, une hôtesse était déjà là. Son amour était allongé, la tête posée sur la veste de l'hôtesse. Celle-ci jeta un regard désolé à Armand alors que Lilia murmura faiblement :
- Il arrive.
Étonnamment, Armand fit preuve d'un incroyable sang froid. Il ordonna à l'hôtesse de demander si un médecin n'était pas dans l'avion, sous le regard surprit des voyageurs de la rangée. Il enleva sa propre veste et couvrit sa femme avec. Une infirmière arriva, le chignon défait et lui donna quelques instructions. L'accouchement pouvait commencer.
Mia.
Je suis née au milieu de cette agitation, ouvrant de grands yeux violets sur le visage larmoyant de mon père et celui, exténué, de ma mère, couverte des applaudissements de tous les passagers.

Petite Enfance

Mettre le plot vert sur le rouge. Puis le jaune. Et finalement le bleu. C'est joli comme ça.
Je renversai la tour d'un revers de main, faisant éclater en pleurs l'enfant qui l'avait construite. Une éducatrice arriva en courant et tenta de consoler le garçon. J'avais deux ans et demi et aucune envie d'empiler stupidement des briques de couleur différentes avant de renverser ma tour et d'éclater de rire. Papa et Maman m'avaient laissé ici, pour jouer selon eux. Mon pédiatre leur avait dit que ce serait mieux pour moi d'être entourée d'enfants que de rester à la maison avec une Nounou.
Dommage, moi j'aimais mieux être avec Nina qu'ici.
L'éducatrice revint et s'accroupit à ma hauteur, prenant mon petit visage entre ses mains. Je sais que je suis petite, pas besoin de me le rappeler...
- Pourquoi tu as fait ça Mia ?
*Parce que Maman m'a dit d'être sage sinon elle reviendrait me chercher et que j'ai envie qu'elle revienne* Sauf que je ne pouvais pas répondre ça. Et qu'au fond de moi, je savais très bien que Maman reviendrait ce soir, peu importait si j'avais fait des bêtises. En fin de compte, je m'en voulais. Elle allait être déçue de moi.
- Parce que !
J'adoptai la mine boudeuse mais craquante à laquelle Nina ne résistait pas. Sauf que l'éducatrice n'était pas Nina.
- Ecoute ma puce, je veux bien comprendre que tu t'ennuies parce que tu es la seule à parler ici. Mais fait preuve d'un peu de patience, d'accord ?
Je n'étais pas d'accord. Je ne voulais plus attendre. Les hurlements des petits m'agaçaient. J'avais peur. Je voulais rentrer à la maison. Une larme coula sur ma joue, que j'essuyai d'un geste dédaigneux avant de renifler.
- Non, je veux voir ma Maman. Je veux partir d'ici, je...
Ma voix se brisa et j'éclatai en sanglots. L'éducatrice me prit dans ses bras mais je hurlai lorsqu'elle me toucha. Je m'assis par terre et pris ma tête entre mes mains. Je gémis doucement. Une heure après, je n'avais pas bougé et la directrice poussait de grands soupirs. Elle se mît à ma hauteur et me dit :
- Ton Papa va arriver, alors arrête ce cirque, d'accord ?
Je ne réagis pas. Mais lorsque j'entendis le ton de la voix tant attendue, je me levai et je courus me réfugier entre ses deux jambes. Il écarta de sa grande main chaude mes cheveux châtains collés à mes joues par mes larmes et me souleva comme si je ne pesais pas plus lourd qu'une plume avant de me serrer contre lui. Il se mît à parler avec la directrice et je m'endormis contre sa poitrine vibrante.
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- NON ! Notre fille n'est pas NORMALE ! Elle n'a que trois ans. Un enfant à cet âge ne passe pas son temps enfermé dans sa chambre à lire tout seul ! Un enfant de cet âge ne parle pas comme ça ! Elle ne devrait pas...
- ... Écoute chérie, ta fille va bien ! Elle est heureuse mais j'ai peur qu'en lui faisant passer des tests, la bulle dans laquelle elle se réfugie finisse par éclater. Tu ne veux quand même pas...
- ARRÊTE ! Premièrement, ma fille est aussi la tienne ! C'est moi qui vais finir par devenir folle avec cette histoire !
- Ma puce...
- Je n'en peux plus ! Cela fait dix ans que j'endure ce calvaire. Je pars vivre chez ma mère !
- Attends !
- Oh, Armand, je n'en peux plus. Si tu savais combien c'est difficile...
Je l'entendis pleurer. Je savais que c'était de moi qu'ils parlaient, ou plutôt hurlaient comme ça. Je savais que c'était de ma faute, s'ils étaient fâchés. Réfugiée dans ma chambre sous un ordre que ma mère m'avait donné un instant plus tôt, je pleurai moi aussi, en silence, en les écoutant se disputer. Je ne voulais pas qu'ils crient. Mais qu'est-ce que j'avais donc fait ?