Le rapport de Brodeck, Philippe Claudel.

Alors c'est un livre hyper intéressant, évidemment.
Avec pour thèmes la violence, la solitude, l'incompréhension, l'indifférence, la torture.
L'histoire en elle-même se passe après la deuxième guerre mondiale, mais rien ne l'indique.
Un homme, juif (mais encore une fois, on le devine) doit écrire un rapport pour sa petite ville perdue.
Il commence par expliquer un évènement qui l'a traumatisé, il explique où, qui, quand, mais pas quoi. On reste sur notre faim et jusqu'à la fn du bouquin, on ignore ce qu'il s'est passé. On ne le saura jamais en fait.
On ignore donc pourquoi il doit écrire un rapport, et sur quoi. Dedans il se contente de parler de son village avant et après la guerre.
Au fil de l'histoire, il explique par brèves morceaux sa vie aux camps. Il explique qu'il s'est transformé en chien, en pourriture, puis en Néant. Il n'a aucune rage et aucun esprit vengeur. Puisqu'il n'est rien et ne vaut rien. Il l'accepte. Il est dépressif et vit à peine.
Il explique que sa vie après la guerre n'était plus rien.
Il était entouré de traites, car ses voisins (ils se connaissent tous dans le village) l'ont dénoncé aux allemands. Lorsqu'il est revenu dans son village, ils étaient choqués, et par dessus tout honteux.
Alors c'est bien connu, puisqu'ils étaient intimidés ils l'ont pris en horreur. Ils le détestaient car il leur rappelait les monstres qu'ils avaient été.

Il y a des scènes hyper violentes : meurtres, viols, tortures, blessures mentales, etc... et décrites avec une telle neutralité que cela choque profondément, d'autant plus que c'est le témoin/victime qui raconte les faits.

PS : tout au long du récit, il n'y a aucune utilisation des mots : allemand/allemagne, juif, nazi, etc. comme si l'auteur n'avait pas voulu faire un livre sur la 2me guerre mais plutot un livre à part. Il n'y a donc aucune explication historique. C'est ça qui rend l'histoire encore plus réaliste et plus attachante.


Si quelqu'un l'a lu... Qu'en avez-vous pensé ?
Sinon les autres à l'esprit nihiliste sadique avec une pointe de spiritualité, je vous le conseille.

Voici des petits extraits :

Citation :

" On m'a enfermé au loin, dans un lieu d'où toute humanité s'était retirée et où ne demeuraient plus que des bêtes sans conscience qui avaient pris l'apparence d'hommes. Je veux dire que dans ma vie, j'ai le sentiment qu'il y a un vide très noir et très profond, c'est pour cela que je le nomme le Kazerskwir - le cratère -, au bord duquel souvent encore je m'aventure la nuit."

Citation :

" Depuis longtemps, je fuis les foules. Je les évite. Je sais que tout ou presque est venu d'elles. Je veux dire le mauvais. Moi, je les ai vus le hommes à l'oeuvre, lorsqu'ils savent qu'ils ne sont pas seuls, lorsqu'ils savent qu'ils peuvent se noyer, se dissoudre dans une masse qui les englobe et les dépasse, une masse faite de milliers de visages taillés à leur image. On peut toujours se dire que la faute incombe à celui qui les entraine, les exhorte, les fait danser comme un orvet autour d'un bâton, et que les foules sont inconscientes de leurs gestes, de leur avenir, et de leur trajet. Cela est faux. La vérité, c'est que la foule est elle-même un monstre. Elle s'enfante, corps énorme composé de milliers d'autres corps conscients. Et je sais aussi qu'il n'y a pas de foules heureuses. Il n'y a pas de foules paisibles. Et même derrière les rires, les sourires, les musiques, les refrains, il y a du sang qui s'échauffe, du sang qui s'agite, qui tourne sur lui-même et se rend fou d'être ainsi bousculé et brassé dans son propre tourbillon."

Citation :

" Aujourd'hui je sais que Dieu n'est pas digne de la plupart d'entre nous, et que si la créature a pu engendrer l'horreur c'est uniquement parce que son Créateur lui en a soufflé la recette."

(j'aime la "philosophie" misanthrope )